Par René Le Brodeur, chercheur
« Le mythe est une pensée non divulguée par l’âme. »
Isis dévoilée
Les douze travaux d’Hercule ont été largement commentés au fil des âges. Comme les meilleurs commentaires les relient savamment à la science astrologique, nous retiendrons cette optique. Mais commençons par résumer l’essence du sixième travail : L’Instructeur propose à Hercule de rapporter la ceinture de l’unité gardée par la Reine Hippolyte, cheffe des Amazones. Une fois sur place, Hercule la tue alors qu’elle tentait de la lui remettre. Pour racheter ce meurtre inutile, il doit courir vers un monstre marin qui vient d’avaler la pauvre Hésione.
Une guerre de domination
Il est dit dans le mythe que les Amazones faisaient une incursion annuelle dans le monde des hommes. Était-ce pour se battre, faire la guerre ? S’accoupler ? Ramener des fillettes pour en faire de futures guerrières ? Était-ce pour ramener des prisonniers mâles susceptibles de devenir des géniteurs ? Ou remettre dans le monde des hommes les enfants mâles nés durant l’année écoulée et qu’elles n’élèveraient pas ? Toutes ces questions, nous sommes en droit de nous les poser, car le signe de la Vierge est en relation directe avec la «guerre des sexes» puisque le mythe – axé sur une forme de travail devant résorber la dualité – oppose Hercule à Hippolyte, la Reine des Amazones.
Dans le sixième travail, Hercule est chargé de rapporter la ceinture de l’Unité qui est dans les mains de la Reine des Amazones. Rappelons que la ceinture avait été remise à Hippolyte par la Déesse Vénus. Cette ceinture représente un symbole que ni les Amazones (en tant qu’archétypes femmes) ni Hercule (archétype de l’homme vertueux) ne surent comprendre. Dans ce mythe, du moins dans la première partie, Hercule va échouer du simple fait qu’il va tuer la Reine Hippolyte qui cherchait à lui donner la ceinture. Cette histoire doit être interprétée dans son sens allégorique. Il est possible que cette dernière ait voulu lui remettre la ceinture par simple obéissance à l’ordonnance divine qu’elle avait entendue. Mais est-ce que le cœur désirait vraiment y souscrire ? C’est pourquoi, à la lumière du récit, il ne semble pas y avoir de véritable unité, tant chez l’un que chez l’autre. Ayant échoué ce test, le héros est semoncé par son Instructeur qui lui propose de réfléchir avant d’aller se racheter. «Mon fils, pourquoi tuer ce qui est nécessaire, celle qui t’est chère, la donatrice des dons splendides ?» [1] Puisqu’une vie avait été sacrifiée inutilement, elle devait être compensée par le sauvetage d’une autre vie.
L’importance du rachat
Il existe deux signes de rachat dans le zodiaque : la Vierge et les Poissons, tout comme il existe deux signes d’échec (relatif) : le Bélier et la Vierge. Dans ces deux signes, en rapport avec les douze travaux proposés – le premier et le sixième travail – Hercule essuie un échec. Dans le premier travail accompli symboliquement dans le Bélier, plein d’orgueil [2] et de fierté, pour avoir réussi à maîtriser les cavales mangeuses d’hommes, il laissa à son ami le soin de les conduire à Diodème. Mais son ami, faible et peureux, ne put maîtriser la tâche et les cavales s’échappèrent après l’avoir tué. Hercule dut donc recommencer. Dans le sixième travail, l’échec relève de l’aveuglement dans le combat. Mais une possibilité de rachat fut offerte en sauvant la pauvre Hésione des entrailles du monstre marin qui l’avait avalée. Dans les deux cas, on peut relever une fausse satisfaction mentale. Dans le Bélier, elle découle de la suffisance. Et dans la Vierge, elle est imputable à l’aveuglement (précipitation exagérée) et au mauvais calcul mental par la destruction de ce qui devait être préservé.
Bien entendu, la ceinture de l’unité offerte par Vénus deviendra un acquis spirituel dans le signe de la Balance, signe de l’équilibre des opposés. Comme Vénus est en chute dans la Vierge, elle ne peut donc que faire miroiter l’unité chez les aspirants. Mais prenons garde de ne pas rabaisser cette tombée en génération, parce que Vénus représente aussi la descente du principe christique au sein de la forme. Bien qu’elle devienne voilée et disparaisse de la vue, elle reste latente dans ce signe.
Les trois mondes
Il y avait dans la vie des Amazones une césure avec le monde des hommes, ou les territoires limitrophes, puisque les deux sexes se faisaient régulièrement la guerre. C’est connu dans le mythe. Mais au-delà du mythe, les Amazones ont vraiment existé et ont entretenu la division entre les sexes. Dans l’histoire du signe de la Vierge, les déesses Mères se succèdent. À l’origine, nous trouvons Lilith, dernière Déesse Vierge de l’époque atlantéenne. Nous avons par ailleurs Ève, Isis et Marie. Ces trois Déesses représentent la parfaite illustration des trois niveaux d’existence du principe incarnée. Ève est associée au plan mental parce qu’elle cueille la pomme de la connaissance. «Isis incarne la fertilité, la maternité et la gardienne de l’enfant dans les anciens zodiaques.»[3] Elle symbolise le plan émotionnel. Reste enfin Marie (la Vierge) qui – les pieds posés sur les cornes de la Lune – transpose l’expérience sur le plan physique en donnant naissance à l’Enfant, ou Prince de la Paix, qu’elle tient dans ses bras. En faisant la synthèse des potentialités du signe de la Vierge, force est de constater la prédominance de la fonction maternelle –nourrir et protéger– et la fonction de service par sauvetage. La Vierge doit garantir à son Fils, ses enfants, ses descendants, le Principe Christique ou Principe d’Amour puisque l’Enfant de la Vierge n’est autre que l’Âme qui est voilée dans la forme et par la forme.
Abolir l’attitude séparative
Comprendre la Vierge, c’est comprendre la nature du principe christique enfoui en chacun de nous. L’Unité fondamentale ne peut s’avérer que lorsqu’il y a reconnaissance implicite de ce même principe chez l’Autre. L’Homme doit devenir le Gardien de son Frère. Et non pas son destructeur. C’est pourquoi, en retrouvant l’Unité à la fin de ce sixième travail, Hercule (le mythe) nous indique que la séparation des sexes – ou encore la séparation entre l’Âme et la personnalité – constitue une erreur fondamentale au plan de l’évolution. De sorte que, si on revient à l’histoire des Amazones, ces dernières, par leur inclination à la séparation, faussaient le plan unitif par manque de cœur (manque de vision). Elles adoraient la Lune, principe maternel, et le Dieu Mars, dieu de la guerre. Mais la Vierge doit neutraliser ce mirage à l’endroit de l’Autre, à l’endroit de la glorification exagérée de la forme (corps). Les hommes ont fait la guerre aux Amazones par cruauté et ces dernières également ont riposté. La lutte entre les Amazones et les hommes constituaient une lutte de pouvoir, toujours transposable de nos jours.
Aucun des deux sexes n’acceptait d’être dominé par l’autre. Mais la ceinture de l’unité proposée par Vénus/Hippolyte annonçait le prélude à la résolution du conflit dans la Balance, signe dans lequel les deux polarités doivent s’équilibrer par la mise en valeur de la tolérance naturelle et mutuelle ainsi que de l’amour, qualités que le natif de la Vierge doit acquérir au fil de ses passages dans ce signe. Dans ce tableau, aucun des belligérants n’est vainqueur. Aucun n’accède au sentiment unitif. C’est seulement lorsque Hercule parvient à comprendre son ignorance et son aveuglement qu’il ira se racheter de façon courageuse en délivrant Hésione. Ainsi, le sixième travail est accompli. L’unité est retrouvée au confluent des deux chemins : celui de la mort et celui de la vie. La guerre des sexes a toujours cours de nos jours; les inconduites sexuelles entre autres, si décriées actuellement dans les médias, ne font qu’illustrer l’ampleur du problème. Un viol n’est qu’une autre façon d’exercer une domination sur l’autre sexe. Et traîner le violeur en cour contribue à maintenir cet état de guerre qui pourrait être réglé par l’ouverture du cœur, laquelle garantit la totale innocuité entre partenaires. Il n’est pas vain de parler d’unité, car «avec le temps toute parole sur l’unité sera appliquée littéralement et la grande unification volontaire viendra comme une étape de l’évolution.» [4] L’Humanité avance lentement dans cette direction.
Travail et repos
À la fin du travail, l’Instructeur enjoint à Hercule d’aller se reposer – recommandation judicieuse en lien avec le secteur sixième –, une fois le travail accompli. Si la Balance consacre l’atteinte de l’équilibre, c’est dans la Vierge qu’il doit s’instaurer comme pratique incontournable et devenir ainsi un acquis disciplinaire authentique. La Vierge préconise l’économie d’énergie, mais jamais l’avarice. Pourquoi faut-il apprendre à gérer ses forces ? Tout simplement parce qu’il peut arriver que toutes les forces soient nécessaires pour affronter un obstacle ou un ennemi, d’où la sagesse d’en préserver une réserve sacrée. Il faut lire Les travaux d’Hercule à la lumière de l’interprétation qu’en a faite Alice Bailey en citant Dane Rudhyar à l’occasion. En fin de compte, Hercule évoluant et oeuvrant dans la Vierge enrichit ce très beau mythe qui, une fois interprété avec les balises allégoriques, devient un outil de compréhension spirituelle de premier plan pour les astrologues. Je vous recommande la lecture de cet ouvrage.
Ouvrages consultés
Association Agni Yoga (2003), Surterrestre, Tome 1, Yerres, 412 p.
Bailey, Alice A. (1990), Les travaux d’Hercule, Éditions Lucis, Genève, 205 p.
Bailey, Alice A. (1976), Astrologie ésotérique, Éditions Lucis, Genève, 626 p.
Notes
[1] Bailey, Alice A. (1990), Les travaux d’Hercule, Éditions Lucis, Genève, p.104.
[2] Hercule avait estimé que ce travail était en deçà de ses capacités. En d’autres termes : trop facile.
[3] Bailey, Alice A. (1976), Astrologie ésotérique, Éditions Lucis, Genève, p. 230.
[4] Association Agni Yoga (2003), Surterrestre, Tome 1, Yerres, p. 412.